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Terres domaniales | Assez négligées… il est temps de les rentabiliser

Depuis 1989, le secteur agricole n’a cessé de faire ses preuves en Tunisie. La production a, en effet, enregistré des rendements atteignant 2,8% et a fourni un quart des nouveaux emplois créés, d’après les chiffres de la Banque mondiale. Or, il se trouve que le secteur se porte mal aujourd’hui du fait de l’instabilité politique, des mouvements sociaux et de l’absence de vraies stratégies alliant réalisme et efficacité. Résultat : l’agriculture n’apporte pas pleinement sa contribution potentielle à l’économie.

En attestent les 45 mille ha de terres domaniales toujours inexploités ou — dans le meilleur des cas — sous-exploités. Même le programme d’exploitation de ces terres, lancé en mars 2018 par le gouvernement de l’époque dirigé par M. Youssef Chahed, est resté lettre morte.

Ce programme de 100 millions de dinars d’investissements visait la création de sociétés d’exploitation et de développement agricole dans 40 fermes. Le projet concerne, en effet, 11 gouvernorats et 26 délégations et couvre une superficie totale de 24.000 ha. S’y ajoutent 10 mille ha répartis sur 14 délégations pour 18 fermes, s’agissant des terres domaniales destinées à l’exploitation par les unités coopératives de production agricole, selon l’Office des terres domaniales, relevant du ministère des Affaires territoriales. S’attardant sur les raisons d’un tel dysfonctionnement, le directeur régional des domaines de l’Etat, Mohamed Hzami, met en cause des lois caduques et une situation politique et sociale peu propice à l’amendement desdites lois. «On a besoin de nouvelles lois adaptées à la situation politique, économique et sociale de la Tunisie nouvelle. Il faut plutôt miser sur la compétence, l’aptitude technique et le savoir-faire. Souvent, des jeunes déterminés, bien formés et capables de mener des stratégies à court et à long termes, peinent à candidater aux différentes offres (sous forme de contrats de location), handicapés par leur situation financière», argue-t-il.

Un important manque à gagner

La nationalisation, le 12 mai 1964, des terres de la colonisation a permis aux pouvoirs publics tunisiens de disposer d’un patrimoine foncier de grande importance. Les différentes politiques agricoles du pays en ont, depuis, dépendu. Et le régime foncier tunisien a toujours été régi par des textes juridiques de différentes origines. Ces textes ont été marqués par l’instrumentalisation des normes juridiques à des fins politiques, depuis le Protectorat jusqu’à la révolution de 2010-2011.Le secteur agricole a depuis joué un grand rôle dans le maintien de l’équilibre politique et social du pays. Et l’Etat a beaucoup investi pour maintenir cet équilibre. Cinq décennies durant, le secteur a connu des hauts et des bas sans pour autant réussir à s’affirmer sur le marché international. Depuis 2011, la marche à reculons d’un secteur vital s’est poursuivie aggravant les difficultés d’une économie déjà en berne.

Aujourd’hui que le pays n’a d’autre choix que de relancer l’épine dorsale de son économie, notamment le secteur agricole, il convient d’opérer les réformes requises pour un véritable saut qualitatif. Car, de l’avis de plusieurs experts économistes, la main-d’œuvre agricole a souvent été inefficace. Elle a augmenté de 20%, mais il n’y a pas eu de hausse tendancielle de sa productivité. «La réussite de l’agriculture était au prix de 180 millions de DT par an en subventions de compensation, 4 % de plus sur le coût de la vie pour les consommateurs et les contribuables et 0,8% du PIB en croissance perdue en raison de la distorsion des prix», selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Toujours est-il que deux cinquièmes de la croissance de l’agriculture représentent une perte pour l’économie, du moment qu’elle provient de produits,dont l’importation coûterait moins : bovins et lait, d’après la même source. Une chose est sûre aujourd’hui : là où la Tunisie dispose d’un bon potentiel compétitif en matière de fruits et légumes, ses résultats s’annoncent insuffisants. D’ailleurs, les exportations de l’ensemble des produits agricoles et alimentaires ont baissé de 11,2% en 2020, par rapport à la même période de l’année précédente, passant de 11.846,4 MD à 10.514,9 MD, selon l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri).

Les cas des agrumes et de l’huile d’olive sont un exemple de la façon dont le potentiel n’est pas exploité. Les marchés internationaux les plus preneurs en déplorent la qualité. Les circuits de commercialisation sont, au demeurant, à adapter aux demandes spécifiques des consommateurs internationaux.  Il faut, pour ce faire, un vrai travail d’assistance et d’encadrement pour les agriculteurs. Ces derniers ont besoin d’un appui technique et de commercialisation, de recherche, de vulgarisation et d’organisation de producteurs. Tous ces objectifs ne pourraient être atteints sans une réelle ouverture sur les expériences les plus réussies dans le monde, notamment en procédant à un bon partenariat public-privé.

Une bonne expérience chapeautée par l’Etat au niveau des terres domaniales pourrait éclairer la lanterne du reste des acteurs et garantir une bonne relance de l’agriculture tunisienne.

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